Dans quelles situations demander un constat ?
Le constat de commissaire de justice peut être demandé à chaque fois qu’une personne a intérêt à obtenir la preuve de faits ou d’une situation, qu’elle lui permette de prévenir une contestation ou de régler un litige en prouvant son préjudice.
Les domaines d’application du constat sont donc très étendus, nous en dressons une liste - non exhaustive - ici :
Relations de voisinage
Constat de troubles anormaux du voisinage
Troubles anormaux du voisinage : pour être anormal, un trouble occasionné par le voisinage doit présenter des caractéristiques objectivement constatées, comme son intensité, sa répétition, sa permanence ou sa durée. Le juge appréciera le caractère normal ou anormal du trouble en fonction de l’environnement. Il peut s'agir de nuisances esthétiques, de privation de lumière ou d’ensoleillement, de nuisances sonores ou olfactives. Dans le cas de troubles du voisinage, et si le dialogue ou un mode amiable n’est pas envisageable, la personne se sentant victime du trouble peut demander à un commissaire de justice de venir sur place constater la nuisance et en particulier son importance et/ou son caractère répétitif. Cette preuve lui permettra de démontrer son préjudice en justice.
Nuisances visuelles
Présence d’amas d’ordures ou de gravas, constructions sans permis, présence d’épaves, de caravanes, de véhicules, non respect des règles de copropriété, non respect du cahier des charges dans un lotissement (nature des clôtures, des haies séparatives, de la couleur des équipements, etc.), perte d’ensoleillement.
Nuisances sonores
Liées aux bruits récurrents comme une pompe à chaleur, les bruits d’un restaurant ou d’une discothèque, le son élevé d’une télévision, un tapage nocturne, des aboiements...
Le constat d’apaisement sonore, dont le référentiel a été conçu avec le Centre national d’information sur le bruit, permet de faire état objectivement d’une nuisance sonore de voisinage.
Nuisances olfactives
Liées à des odeurs incommodantes et récurrentes : odeurs de restaurant, d’une usine de retraitement, de déjections d'animaux domestiques ou de bétail…
Constat en cas de différends liés à la propriété
Servitudes
Il existe de nombreuses servitudes, qu’elles soient légales, naturelles ou conventionnelles (servitude de passage, servitude d’usage des eaux, servitude de vue, etc.) qui confèrent des droits et des devoirs au propriétaire du fonds dominant, celui qui bénéficie de la servitude, comme au propriétaire du fonds servant. L’abus de ces droits génère de nombreux contentieux. Le constat de commissaire de justice est un moyen utile de prouver que le propriétaire du fonds servant empêche l’exercice de la servitude, ou au contraire que le propriétaire du fonds dominant tente de l’aggraver.
Implantation contestée
Il peut s’agir d’une clôture, d’un mur séparatif ou encore d’une haie érigée ou plantée sur la propriété d’autrui. Plus simplement le commissaire de justice peut venir constater le non entretien d’une végétation abondante et débordante.
Relations locataire/propriétaire
État des lieux d’entrée et de sortie
Le commissaire de justice décrit très précisément l’état du bien à louer : il consigne dans son constat toutes les informations utiles telles que le nombre de pièces, le mobilier et équipement présents, ainsi que l’état général du bien, ses défauts et son degré d’usure.
Constat de non-conformité de la destination du bien loué
Le bail précise la destination du bien : bail d’habitation, bail commercial, bail rural. En cas de bail commercial le contrat précise également le type d’activité autorisée (industrielle, commerciale, artisanale…). En cas d’usage non contractuel, le propriétaire peut dépêcher un commissaire de justice afin qu’il aille constater la situation, ce qui lui permettra d’engager une action contre le locataire, par exemple en résiliation du bail.
Constat de logement indécent ou de logement insalubre
Un logement, pour être loué, doit respecter des normes précises de surface et d'installation. Lorsqu’un locataire se voit louer un bien non conforme - défaut de chauffage, installation électrique dangereuse, infiltrations, moisissures étendues, etc. -, il peut faire appel à un commissaire de justice afin d'obtenir la preuve de ces défauts. Cette preuve lui permettra d’agir contre son bailleur, soit en vue de le contraindre à effectuer des réparations, soit à obtenir un relogement.
Constat d’abandon de logement ou de “départ à la cloche de bois”
Lorsque qu’un propriétaire soupçonne les locataires de son bien de l’avoir abandonné, il doit respecter une procédure précise afin de le récupérer :
- Le commissaire de justice va mettre en demeure les locataires de prouver qu’ils occupent encore le logement. La plupart du temps, le ou les locataires ayant cessé de payer les loyers, cette mise en demeure est insérée dans un commandement de payer. Le commissaire de justice va mettre en demeure les locataires de prouver qu’ils occupent encore le logement. La plupart du temps, le ou les locataires ayant cessé de payer les loyers, cette mise en demeure est insérée dans un commandement de payer ;
- En cas d’absence de réponse, le commissaire de justice procède à un constat d’abandon.
Cette preuve permet au bailleur d’entamer une action devant le juge afin d’obtenir :
- La résiliation du bail ;
- La reprise de son bien ;
- Le recouvrement des loyers impayés ;
- Éventuellement la vente aux enchères des meubles laissés par le locataire.
Constat de défaut d’entretien ou d’usage non paisible par le locataire
L’entretien et l’occupation paisible du logement font partie des obligations du locataire, au même titre que le paiement des loyers et des charges. Lorsque le défaut d’entretien entraîne des conséquences graves comme une dégradation importante du logement, qu’il provoque des nuisances pour le voisinage (odeurs, bruits, dégâts des eaux, etc.), et que votre locataire refuse votre visite (vous n’avez en aucun cas le droit de pénétrer chez lui sans son autorisation), vous pouvez demander au juge en référé l’intervention d’un commissaire de justice. Celui-ci procédera à un constat des lieux, et pourra se voir autorisé à faire une enquête de voisinage (lors de sommations interpellatives).
Le constat du commissaire de justice permettra au bailleur de résilier le bail, voire d’entamer une procédure d’expulsion.
Relations familiales
Le constat d’inventaire
- Lors d’une séparation, rupture de pacs ou divorce : avant ou en cours d’une procédure, les conjoints ou l’un d’entre eux peut demander un constat d’inventaire des biens garnissant le domicile conjugal. Le commissaire de justice décrit chaque meuble présent au domicile afin de fixer sa valeur (c’est la “prisée”). Ce constat d’inventaire est précieux pour garantir un partage équitable.
- Lors d’une succession : le constat d’inventaire peut également être réalisé afin de garantir les droits patrimoniaux des héritiers.
Constat d’abandon de domicile
A la demande de l’époux délaissé, le commissaire de justice vient constater l’absence du conjoint et de ses affaires personnelles. Ce constat peut permettre au demandeur d'entamer une procédure de divorce pour faute (rupture de la communauté de vie) en fixant une date précise de la situation constatée.
Le constat de non-présentation d’enfant
Ne pas respecter un droit de visite ou une garde partagée en refusant de remettre l’enfant au détenteur de l’autorité parentale constitue un délit. Afin de faire valoir ses droits auprès du juge (des affaires familiales ou au pénal), la personne lésée pourra tout d’abord demander à un commissaire de justice de constater la ou les non-représentations, afin de disposer d’une preuve solide.
Le constat d’adultère
L’adultère ne constituant plus une faute au sens pénal, ni une cause automatique de divorce, et les atteintes à la protection de la vie privée étant très encadrées, le constat d'adultère est aujourd’hui rarement réalisé. Néanmoins, l’adultère reste un manquement à l’obligation matrimoniale de fidélité et reste recevable comme motif d’un divorce pour faute. En pratique, le commissaire de justice doit être mandaté par le juge et va chercher à prendre le conjoint fautif sur le fait ou à réunir un faisceau d’indices rendant hautement probable l’adultère.
Travaux : construction, rénovation, destruction
Constat d’affichage du permis de construire
Le panneau de permis de construire (ou de démolir, d’aménager…) doit respecter un formalisme strict - mentions obligatoires, implantation permettant la lisibilité depuis la rue… - et doit rester affiché pendant au moins 2 mois : c’est la durée pendant laquelle les tiers (la plupart du temps les voisins) prennent connaissance du projet et ont la possibilité de contester sa légalité. Un défaut d’affichage entraîne une absence de date de départ de cette période de deux mois et augmente les risques de recours, qui restent recevables.
Afin de prouver la réalité et la continuité de l’affichage du permis de construire, le commissaire de justice procédera en général à 3 constats : le 1er jour de l’affichage, au bout d’un mois (de manière inopinée) et à la fin de la période de 2 mois. Ce constat comporte la date, des photos détaillant les mentions du panneau et d’autres prouvant sa visibilité et sa lisibilité depuis une voie de circulation.
Constat avant travaux
Le constat avant travaux permet de réaliser un état des lieux des biens mitoyens ou de la voirie à proximité du futur chantier. Ce constat permet d’éviter que les occupants puissent accuser abusivement le chantier d’avoir provoqué des dégâts pourtant préexistants comme des fissures.
Faire un constat d’un bien acquis en très mauvais état, avant d'entreprendre des travaux, peut se révéler également utile afin d'éviter un redressement des droits de mutation ou de succession de la part de l'administration fiscale.
Constat de malfaçons, de dégâts
Que ces malfaçons surviennent pendant ou à la suite d’un chantier, le commissaire de justice intervient lorsque le dialogue avec l’entrepreneur n’a rien donné : le constat détaille objectivement l'état général de l’ouvrage, les malfaçons visibles et les éventuels dégâts qu’elles ont entraînés.
Cette preuve permet d’engager la responsabilité de l’artisan ou de l’entreprise de construction : responsabilité contractuelle, garantie légale pour vice caché, garantie décennale, etc.
Constat de suspension ou d’abandon de chantier
Les causes d’arrêt de chantier peuvent être diverses : travail sur un autre chantier, difficultés de recrutement ou d'approvisionnement, redressement judiciaire, faillite… Dans un premier temps, si le contact est rompu avec l’entrepreneur, le maître d’ouvrage le met en demeure. En cas d’absence de réponse satisfaisante, il fait appel à un commissaire de justice afin de dresser un procès-verbal de constat d’abandon de chantier : il décrira l’état de l’ouvrage et les travaux déjà réalisés, répertoriera le matériel et les matériaux laissés sur place. Il permet surtout de donner une date précise à la cessation du chantier, et ainsi :
- d’engager la responsabilité de l’entrepreneur défaillant et de son assureur ;
- de changer d’entrepreneur.
Constat de dégâts des eaux, de fuite, d’infiltration
Lorsqu’un dégât des eaux est découvert, la première chose à faire est de prévenir son assurance. Celle-ci enverra éventuellement un expert afin d'estimer le montant des dommages et d’en déterminer la cause. Cette intervention peut néanmoins prendre plusieurs jours ou plusieurs semaines. Faire appel à un commissaire de justice, qui peut intervenir en urgence en cas de besoin, permet de sauvegarder les preuves du sinistre, des dégâts occasionnés et d’en évaluer l’évolution par la suite. Si un litige semble probable, ce mode de preuve sera utile pour faire valoir les droits de la victime ou pour circonscrire la responsabilité à la réalité du dégât des eaux. La solution “commissaire de justice” est souvent la plus efficace pour mettre un terme dans l’urgence à une situation de dégradations évolutives.
Constat de fissures
Lorsque des fissures apparaissent sur des murs, un plafond ou un sol, vous pouvez demander à un commissaire de justice de venir faire un constat : outre détailler et qualifier les dégâts illustrés à l’aide de photos le jour du constat, il pourra éventuellement poser des témoins et revenir faire un second constat (ou des constats multiples) afin d’en démontrer l’aggravation.
Cette preuve servira, lors d’une négociation ou d’une action en justice, à déterminer la responsabilité et leur étendue.
Internet et supports numériques
Le constat sur internet
Le commissaire de justice est en mesure d’obtenir une preuve à partir d’un site internet : site, échanges sur des réseaux sociaux ou échanges de mail. Ce constat est particulièrement précieux car ces preuves peuvent disparaître rapidement lorsqu’elles sont en ligne, ou être sujet à caution (manipulation, détournement…).
Un constat sur internet peut permettre de démontrer de multiples préjudices constitués en ligne :
- Harcèlement
- Diffamation
- Publicité mensongère
- Concurrence déloyale
- Plagiat
- Contrefaçon
- Piratage
Le commissaire de justice réalise son constat en respectant une procédure précise, élaborée au fil de la jurisprudence sur le sujet, afin de garantir son exactitude et son objectivité : il doit notamment préalablement décrire précisément le matériel informatique, indiquer l’adresse IP, vider les caches, supprimer les cookies, les fichiers temporaires et l’historique de navigation.
Le constat de SMS ou de messages vocaux
Le commissaire de justice peut également établir un constat à partir de SMS, de messages vocaux laissés sur un répondeur : il retranscrit fidèlement les textes dans son procès-verbal, peut y adjoindre les médias associés comme les photos ou les fichiers attachés à ces envois, en s’assurant de la “loyauté” de la preuve - les photos ou les enregistrements ne doivent par exemple pas avoir été pris ou captés à l’insu d’une personne -.
En pratique, les téléphones étant en grande majorité des smartphones, le commissaire de justice prend des précautions techniques identiques au constat sur les ordinateurs ou sur internet.
Le constat d’échanges électroniques peut venir caractériser une responsabilité contractuelle (ex : proposition de travail, reconnaissance de dette…), une responsabilité pénale (ex : harcèlement, menaces), etc.
Vie des entreprises et droit social
Constat de grève
Le commissaire de justice peut constater d’éventuels abus commis lors d’un piquet de grève :
- des dégradations de locaux ;
- des dégradations d’équipement ;
- une obstruction de passage fermant l’accès de l’entreprise aux non-grévistes.
Constat sur le poste d’un employé
Le constat peut permettre d’obtenir la date et la preuve d’un manquement significatif d’un employé à ses obligations professionnelles, pouvant entraîner un licenciement :
- Abandon de poste ;
- Activité personnelle ou pour le compte d’un concurrent sur le temps de travail ;
- Dénigrement de l’entreprise.
Le commissaire de justice veillera à la légalité des moyens employés pour obtenir ces preuves.
Constat de concurrence déloyale
La concurrence déloyale est constituée lorsqu'une pratique commerciale illégale d’une entreprise entraîne un préjudice pour une autre. On relève :
- Parasitisme : reprises des caractéristiques reconnus d’une marque ou d’un produit ;
- Diffamation des produits et des services ;
- Désorganisation d’une entreprise ;
- Non respect d’une clause de non-concurrence ;
- Vol d’une base de données client ;
- Publicité mensongère.
Obtenir une telle preuve demande un formalisme précis, afin d’en conserver le caractère loyal indispensable à sa prise en considération devant la justice.
Constat de livraison non-conforme
Le constat de commissaire de justice permet de mettre en évidence la violation d’une obligation contractuelle quant à la conformité et à la date de livraison des produits livrés ou des services offerts :
- Produits livrés non conformes ;
- Retard de livraison ;
- Prestation incomplète.
Propriété intellectuelle
Le constat pour prouver l’antériorité d’une œuvre ou d’un travail
Tout auteur de travaux intellectuels ou d'œuvres artistiques peut en faire le dépôt chez un commissaire de justice : son constat indique la date de dépôt et contient un descriptif de l'œuvre. Le commissaire de justice conserve cette preuve pendant 25 ans. Si certaines créations doivent obligatoirement être déposées auprès d’organismes spécialisés pour bénéficier d’une protection, comme les brevets, toutes les autres peuvent bénéficier d’un dépôt chez le commissaire de justice :
- Chanson (partition, texte, instrumentation…) ;
- Idée de start-up et business plan ;
- Création graphique ;
- Patron de couture ou modèle de vêtement ;
- Logiciel informatique ;
- Jeux vidéo ;
- Identité graphique d’un site.
En cas de litige, le juge tiendra compte de l’antériorité de l'œuvre pour en identifier le créateur grâce à la date de création ainsi que de son originalité.
Constat de plagiat ou de contrefaçon
Si le dépôt constitue une action préventive de l’atteinte à la propriété intellectuelle, le constat peut également être défensif : lorsqu’un auteur, un créateur ou une entreprise se retrouve confronté au plagiat de son œuvre ou à la contrefaçon de ses produits, il peut faire appel au commissaire de justice pour sauvegarder la preuve de cette reproduction.
En cas de contrefaçon, le commissaire de justice peut procéder à un constat d’achat de la marchandise contrefaite. Ce constat, très encadré par la jurisprudence, consiste pour le commissaire de justice à décrire l’acte d’achat effectué par un tiers indépendant (il ne peut s’agir d’un stagiaire ou d’un salarié de l’entreprise) dont il s’est adjoint les services. Le ticket de caisse et l’objet acquis sont ensuite mis sous scellé. Ce constat d’achat peut également être réalisé sur internet.
A noter que le constat d’achat est différent de la saisie-contrefaçon, qui est une procédure spécifique ordonnée par le juge et également effectuée par le commissaire de justice.
Jeux-concours et loteries
Si le dépôt des règlements de jeu-concours n’est plus obligatoire, le commissaire de justice reste un acteur reconnu des loteries et autre tirage aux sorts : il sécurise et donne un gage de sérieux à l’opération. Il peut se charger de la rédaction du règlement, s’assurant le respect des mentions obligatoires et de son dépôt pour le rendre consultable à toute personne intéressée.
Le constat de tirage au sort permet un contrôle précis des opérations et garantit son impartialité :
- Le commissaire de justice recueille les bulletins, ou la liste des participants s’il a lieu sur internet ;
- Le tirage au sort est assuré à l’aide d’une urne ou d’outils informatiques préservant l'égalité des chances entre les participants.