Quelle est la valeur juridique de la preuve apportée par le constat de commissaire de justice?


Afin de faire valoir ses droits, un justiciable se doit d’apporter la preuve des faits qu’il soutient, que ce soit un préjudice ou un simple fait juridique. Les moyens de preuves admis en justice ou par une assurance sont nombreux mais n'ont pas la même “valeur probante”. Le constat dressé par un commissaire de justice constitue par sa nature et ses qualités, une des preuves les plus solides qui puisse être produite.


Le constat de commissaire de justice : au sommet de la “hiérarchie des preuves”



Qu’est-ce qu’une preuve ?

L’objet de la preuve
Une preuve est l'établissement :
  • soit de l’existence d’un acte juridique : auquel on veut volontairement donner des effets juridiques précis (ex : un contrat de mariage, une reconnaissance de dette, un contrat de travail, une délégation de pouvoir, un testament, etc.) ;
  • soit de la réalité d’un fait juridique : à qui la loi donne des effets juridiques sans que l’auteur ou l'intéressé ait eu la volonté de lui en donner, qui n’est pas “prévu” (ex : un décès, un vol, conduite dangereuse, bruit, etc.).
La forme de la preuve

Elle peut se faire par différents moyens : sous forme d’un écrit, d’un témoignage, d’une photographie, d'un enregistrement, etc. On distingue les preuves dites “parfaites”, qui lient le juge, c’est-à-dire dont il est obligé de tenir compte, et celles dites “imparfaites”, dont la force probante est laissée à son appréciation :
A noter que depuis la loi du 13 mars 2000, les preuves "littérales", c'est-à-dire par écrit, peuvent être établies sur tout support, papier ou électronique, y compris pour les actes authentiques.

Les preuves parfaites
  • L’acte authentique : document rédigé par un officier public (notaire, commissaire de justice) et revêtant une forme précisée par la loi (ex : acte de vente par notaire, acte de commissaire de justice) ;
  • L’acte sous seing privé : document rédigé librement, signé par son ou ses auteurs (ex : contrat) ;
  • L’aveu judiciaire : une personne reconnaît devant le juge la réalité d’un fait qui lui est défavorable ;
  • Le serment décisoire : qui a été prêté sur l’honneur, à la demande d’une des parties qui s’en remet à ce serment (très rarement utilisé).
Les preuves imparfaites
  • Le témoignage oral ou écrit : il peut être écarté s’il n’est pas jugé objectif ou loyal, à l’appréciation du juge ;
  • Les présomptions : elles servent à établir l’existence d’un fait alors qu’il n’y a pas de preuve tangible, mais qu’il est vraisemblable, selon le juge (présomption du fait) ou selon la loi (ex : présomption de paternité, présomption de mitoyenneté, etc.) ;
  • Commencement de preuve par écrit : écrit qui n’est pas complet, par exemple une facture sans “bon pour”, une lettre non signée, etc. Cette preuve doit être corroborée par d’autres éléments et a une valeur assez faible ;
  • Serment supplétoire : le juge demande à l’une des parties de prêter serment de ce qu'elle invoque lorsque les preuves ne sont pas convaincantes ou suffisamment solides ;
  • Aveu extra-judiciaire : qui n’est pas fait devant le juge chargé de l’affaire.
Les moyens de preuve admis par la justice
Fait juridique ou acte juridique ?

Les actes juridiques se prouvent au moyen d’une preuve parfaite, alors que les faits peuvent se prouver par tous moyens.

En matière pénale ou en matière civile ?

En matière civile (responsabilité civile, contractuelle…), le juge doit tenir compte de la nature des preuves, et donc de leur force probante, selon la hiérarchie évoquée plus haut entre preuve parfaite et imparfaite : un constat de commissaire de justice ou un acte notarié auront une valeur probante supérieure à une lettre signée par les parties.
En matière pénale (crime, délit, contravention…), le juge apprécie librement les preuves, quelle qu’en soit la nature (on parle d’“intime conviction”) : il peut ne pas tenir compte d’une preuve parfaite.


À quelle catégorie de preuve appartient le constat de commissaire de justice ?

Le procès-verbal de constat est une preuve littérale (écrite) faisant partie des preuves dites “parfaites”. Le commissaire de justice y relate ce qu’il a vu et personnellement constaté, éventuellement ce qu’il a touché, goûté, senti, entendu. Cette preuve est de nature hybride :

Comme tous les actes de commissaire de justice, le procès-verbal de constat comprend des mentions qui ont valeur authentique et difficilement contestables : la date et le lieu notamment ainsi que les diligences que le commissaire de justice indique avoir faites. Ces mentions ne peuvent pas être remises en cause, sauf par procédure d’inscription de faux (très difficile à entreprendre). Lorsque le commissaire de justice indique s’être transporté tel jour à tel endroit cette information est donc incontestable. Cette qualité authentique du constat de commissaire de justice est essentielle pour fixer une preuve à un moment précis.

Les constatations matérielles relatées dans le procès-verbal sont des écrits qui font foi jusqu’à preuve du contraire. Elles n’ont pas valeur authentique, mais elles ont une valeur quasi officielle. Cette force probante a été confirmée par la loi Béteille du 22 décembre 2010. Elles ont la force d’une présomption de vérité. Pourquoi ? Parce qu’elles sont objectives et purement matérielles. Le commissaire de justice est un juriste assermenté qui respecte les principes généraux du droit, les principes directeurs du procès et les droits fondamentaux (respect de la vie privée et du domicile). Cela signifie qu’il n’utilisera pas des stratagèmes ou des procédés déloyaux.


Les garanties du constat de commissaire de justice comme moyen de preuve



L’intervention d’un tiers impartial

En matière de preuve, le principe est que "Nul ne peut se constituer de titre à soi-même" (article 1363 du Code civil). Faire intervenir un commissaire de justice, officier public et ministériel assermenté, permet à toute personne d’obtenir et de conserver une preuve en fixant un état de fait, une situation, en le faisant constater. L’intervention du commissaire de justice confère à ces constatations une valeur quasiment officielle.


La différence avec des preuves constituées soi-même

Une photographie, une capture d’écran, un enregistrement peuvent être écartés par le juge pour plusieurs raisons. Il risque de considérer que ces éléments constituent des preuves :

  • qui ont été obtenues de façon déloyale : un enregistrement capté à l’insu de l'intéressé risque de ne pas être admis comme preuve ;
  • qui ne font pas foi : pas datées, pas localisées ou localisables, etc. ;
  • qui ont pu être tronquées ou modifiées : par exemple une photo ou une copie qui peut résulter d’un montage.

En revanche, le constat de commissaire de justice présente plusieurs garanties :

  • C’est une preuve loyale : le commissaire de justice est un professionnel du droit qui procède à des constatations en respectant les règles applicables à la matière, et qui ne risquent pas d’être remises en cause par un plaideur ou écartées par le juge ;
  • Le constat fait foi jusqu’à preuve du contraire en matière civile, et il comprend des mentions authentiques qui font foi jusqu’à inscription de faux. Il donne date certaine ;
  • Le commissaire de justice a prêté serment, jurant d’agir en toute probité. Il se refuse à toute manipulation de la preuve.


La différence avec les preuves apportées par un expert

Un rapport d’expertise peut être complémentaire d’un constat de commissaire de justice, en particulier quand la complexité technique d’une situation requiert un éclairage professionnel spécifique. En revanche, un rapport d'expertise amiable (différent d’un rapport d’expertise judiciaire demandé par le magistrat et rendu par un expert dans le cadre de la mission qui lui a été confiée) n’a pas la même force probante : il ne comporte pas de mentions authentiques et constitue un élément de preuve, et non une preuve parfaite comme le constat de commissaire de justice.