Statut et monopole des commissaires de justice
Parmi les professionnels du droit, les commissaires de justice se distinguent en raison d’une double spécificité : ils sont à la fois les acteurs clés de la mise en œuvre du principe fondateur de la justice, le contradictoire, et sont aussi spécialement désignés par la loi pour garantir l’effectivité des décisions de justice.
Ces deux caractéristiques sont intrinsèquement liées à leur statut d’officier public et ministériel et justifie que leur soit confié le monopole de la signification et de l'exécution des décisions de Justice.
Le commissaire de justice, gardien de deux principes intangibles de la Justice
Les principes du contradictoire et de l’effectivité de la Justice trouvent leurs racines dans les origines mêmes des sociétés organisées par le droit et ce depuis la plus haute antiquité. Ces principes ont transcendé depuis plus de 2 000 ans toutes les formes d’organisation de la justice et tous les régimes politiques.
Le principe du contradictoire
Toute justice organisée repose sur la règle selon laquelle une personne objet d’une procédure judiciaire, civile ou pénale, a le droit d’être entendue et de présenter sa défense.
Ces principes ont été affirmés dès la définition des premières règles juridiques, qui en Mésopotamie, puis en Grèce, ont marqué le passage de la préhistoire à l’histoire .
C’est à la fondation de Rome que s’enracinent définitivement ces principes et qu’est créé la profession ancêtre du commissaire de justice. Sa mission première est de porter à la connaissance des personnes appelées à être jugées l’ensemble des actes qui garantiront le principe du contradictoire.
Les principaux d’entre eux sont l’acte introductif d’instance, qui permet de savoir ce qui est reproché et demandé (en procédure civile l’assignation et en procédure pénale la citation) et les convocations en justice qui permettent de connaître le jour et le lieu du procès. Sans ces actes, pas de bonne justice.
Ce principe est tellement fort qu’il a non seulement traversé les siècles mais été reconnu, après la deuxième guerre mondiale par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (“Droit à un procès équitable”), comme un fondement essentiel de nos sociétés démocratiques et pacifiées.
L’effectivité des décisions de justice
Lorsqu’une décision de justice est rendue, le processus judiciaire est loin d’être achevé.
S’ouvre alors le temps pour les parties au procès de la prise de connaissance du jugement et de la réflexion pour choisir entre deux voies. Soit elles sont satisfaites par la décision et vont devoir s’y soumettre, soit elles entendent la contester et vont former un recours.
Ce temps est lui aussi rythmé par l’intervention cruciale du commissaire de justice. La loi lui confie la mission de délivrer le jugement aux parties, c’est la signification. Cette remise de la décision de justice fait courir les délais pour contester le jugement devant la juridiction compétente.
Si à l’issue du délai, aucune des parties n’a formé de recours le jugement devient exécutoire et le commissaire de justice va à nouveau intervenir pour la faire exécuter.
La loi lui confie, en effet, le monopole de l’exécution forcée.
Si la partie condamnée se soustrait à ses obligations nées de la décision de justice, par exemple celle d’indemniser la partie adverse, le commissaire de justice va pouvoir mettre en œuvre des mesures coercitives pour contraindre la partie récalcitrante à s’exécuter, dans notre exemple en payant ce qui est dû. La loi confie au commissaire de justice la responsabilité de choisir les moyens les mieux adaptés. Il pourra ainsi saisir le salaire du débiteur ou encore ses meubles ou ses comptes bancaires.
Ainsi c’est au commissaire de justice que revient la charge de faire en sorte que les jugements ne restent pas lettre morte, mais que force reste à la loi ainsi que le juge l’a ordonné.
Le commissaire de justice est ainsi le principal auxiliaire de juge, son « bras armé ».
Son statut est le reflet de cette responsabilité de veiller au bon fonctionnement de la justice.
Un statut adapté : officier public et ministériel
Le statut contemporain des commissaires de justice trouve dans celui des huissiers et date de la mise en place, en 1815, du système parlementaire et de l’organisation de notre justice.
L’ordonnance de 1815 assimile très explicitement l’huissier au juge par l’essence commune de leur autorité, tout en séparant leurs missions, conformément aux principes d’organisation de la séparation des pouvoirs, qui régit les sociétés démocratiques contemporaines. Comme cela a été évoqué plus haut, au juge le pouvoir de faire appliquer la loi, au commissaire de justice le pouvoir de faire respecter le jugement. C’est parce qu’ils partagent le même pouvoir, chacun dans leur rôle, que le commissaire de justice est soumis comme le juge à des règles strictes de recrutement, de déontologie et de discipline.
Il est officier public, c'est-à-dire qu’il est chargé d’accomplir une partie des missions qui relèvent du pouvoir judiciaire. Il est aussi officier ministériel, il exerce sa mission sous le contrôle de l’Etat. Il agit par l’Etat et pour l’Etat.
Un recrutement exigeant
Les commissaires de justice ont reçu avant de pouvoir exercer leur ministère un très haut niveau de qualification. Ils doivent être titulaires d’un master 2, réussir un examen d’entrée à l’école de formation, suivre encore au sein de cet institut un cycle de deux ans d’études partagées entre acquisition de connaissances théoriques et pratiques, sous l’égide d’un maître de stage.
A l’issue de cette formation, ils sont enfin soumis à un examen de validation de leurs compétences.
Ils seront ensuite astreints tout au long de leur vie professionnelle à une obligation de formation continue, spécialement pour répondre à leur obligation déontologique de compétence.
Une déontologie contraignante
Immédiatement avant sa prise de fonctions, le commissaire de justice prête serment devant le tribunal :
« Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité, et d’observer en tout les devoirs qu’elles m’imposent ». Ce serment l’oblige au respect de la déontologie de la profession.
Le règlement déontologique national fixe les principes fondamentaux de la profession et notamment, comme pour les juges, une obligation d’impartialité, qui contraint le commissaire de justice à la neutralité dans l’exercice de sa mission. Il ne peut exercer son ministère s’il connaît ou entretient des liens avec l’une des parties.
Comme les magistrats, le commissaire de justice doit également se montrer loyal. Il doit respecter scrupuleusement les règles de droit.
S’il venait à manquer à ses obligations, l’huissier verrait sa responsabilité pécuniaire et disciplinaire engagée.
Les sanctions qu’il encourt en cas de manquement à ses devoirs vont jusqu’à la radiation et à l’interdiction définitive d’exercer sa profession.