Focus sur la réforme 2025 de la saisie des rémunérations
La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2025 a inscrit la réforme de la procédure de saisie des rémunérations dans un contexte de modernisations processuelles. La publication du décret n° 2025-125 du 12 février 2025 relatif à la nouvelle procédure de saisie des rémunérations confirme que cette réforme sera effective le 1er juillet 2025.
La saisie des rémunérations est une mesure d’exécution forcée, elle permet à un créancier muni d’un titre exécutoire de prélever directement entre les mains de l’employeur ou de l’organisme qui verse des prestations à son débiteur (le « tiers ») une fraction de ses rémunérations en paiement de sa créance. Il s’agissait de la dernière mesure d’exécution forcée mobilière faisant l’objet d’une intervention préalable du juge de l’exécution et d’une mise en œuvre par les services de greffe des tribunaux judiciaires. A partir du 1er juillet 2025, la loi en confie la mise en œuvre aux commissaires de justice en leur qualité d’officier public et ministériel chargé de l’exécution, sous le contrôle du juge de l’exécution.
Le texte : Cette réforme est inscrite dans la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, dans l’article 47
La nouvelle procédure de saisie des rémunérations
Le commissaire de justice initie la procédure de saisie des rémunérations par le premier acte de la procédure qui est la signification par commissaire de justice d’un commandement de payer au débiteur. (Il n’y a plus ni requête au tribunal, ni tenue d’audience)
- A compter du jour de la signification, le débiteur dispose d’un mois pour, au choix :
- Payer les sommes dues
- Trouver un accord avec le créancier
- Contester la mesure
- Un mois après le commandement de payer, si aucun accord n’a été trouvé, le créancier doit dans un délai de trois mois, après désignation d’un commissaire de justice répartiteur, faire signifier son procès-verbal de saisie à l’employeur du débiteur. C’est le créancier (ou en d’autres mots son mandataire commissaire de justice) qui signifie la saisie au tiers (et non plus le greffe du tribunal qui l’a ordonnée).
Cette nouvelle phase initiale a un délai n’excédant pas 4 mois à compter de la signification du commandement de payer.
Le commissaire de justice répartiteur devient le principal interlocuteur des parties :
La loi prévoit que pour mettre en œuvre la saisie sur les rémunérations, un “commissaire de justice répartiteur” est désigné parmi ceux figurant sur la liste maintenue par la Chambre nationale des commissaires de justice.
Ce commissaire de justice répartiteur, formé spécifiquement au suivi de la procédure, prend en charge les tâches assumées jusqu’au 1er juillet 2025 par les services du greffe du tribunal judiciaire : vérification du calcul des quotités, répartition des sommes saisies entre les créanciers…il réalise les projets d’état de répartition, les états de répartition, les informations aux créanciers, au débiteur, au tiers saisi.
Sur une même procédure, pourront donc cohabiter un commissaire de justice « saisissant », qui enclenche et suit la mesure pour la créance concernée, et un commissaire de justice répartiteur qui est chargé de sa mise en œuvre.
Les frais de justice occasionnés sont supportés par le débiteur.
La création d’un registre national de saisies des rémunérations :
Ce registre national numérique répertorie toutes les saisies des rémunérations, obligatoirement inscrites par les commissaires de justice qui engagent cette procédure.
La tenue de ce registre contrôlé et sécurisé est confiée à la Chambre nationale des commissaires de justice, qui doit en transmettre gratuitement et annuellement au ministre de la Justice les données à des fins statistiques.
Ce qui ne change pas avec la réforme de la saisie des rémunérations
La procédure de saisie des rémunérations concerne le salaire ou les revenus réguliers du débiteur. Ces sommes ayant un caractère alimentaire, cette saisie conserve un régime de protection spécifique du débiteur. C’est pourquoi la réforme ne touche pas aux règles de calcul des quotités saisissables, et qu’elle prévoit un maintien du contrôle du juge, même si celui-ci se fait a posteriori.
Les règles relatives au calcul des quotités et au minimum insaisissable sont conservées.
L’assiette de la saisie, les proportions et les seuils déterminés par le code du travail restent inchangés et sont toujours régies par le code du travail.
Ainsi, certains revenus demeurent insaisissables (primes d’intéressement, remboursement des frais professionnels…) et l’employeur doit toujours laisser un montant déterminé décret.
Le pouvoir de contestation du débiteur et la possibilité de contrôle du juge sont maintenus :
- Lors de la phase initiale, le commandement de payer (voir plus haut), ouvre dans un délai d’un mois la possibilité pour le débiteur de contester le fondement de la saisie. Cette saisine du tribunal suspend la mise en œuvre de la procédure, jusqu’à ce que le juge valide ou invalide le commandement de payer.
- Le débiteur peut également saisir le juge de l’exécution (JEX) à tout moment de la procédure. Celui-ci peut contrôler la mise en œuvre de la saisie : calcul des quotités, respect des montants ou sommes non saisissables…En revanche, ce recours ne suspend pas la procédure, afin d’éviter les recours ayant pour seul objet de retarder l’exécution de la saisie.
- Enfin, comme pour toute mesure d’exécution forcée, le débiteur peut saisir le JEX s’il estime la mesure « inutile ou abusive ».
La mise en œuvre de la réforme à compter du 1er juillet 2025 :
En son article 6, le décret d’application précise les modalités de ce transfert.
A compter du 1er juillet 2025 :
● les saisies des rémunérations sont toutes initiées suivant la nouvelle procédure
● les procédures en cours dans les tribunaux sont transmises aux commissaires de justice et reprennent sous condition de confirmation du créancier.
● les tiers saisis cessent tout versement aux tribunaux en attendant de recevoir une information de reprise d’un commissaire de justice répartiteur.
Ainsi, pour les procédures en cours, à compter du 1er juillet 2025, les tiers saisis cessent tout versement aux greffes des tribunaux. Tout paiement effectué après cette date est automatiquement rejeté. Les sommes versées avant le 30 juin 2025 sont réparties entre les créanciers par les services des saisies des rémunérations des tribunaux, avant le 1er octobre 2025.
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Transmission des saisies des rémunérations en cours aux commissaires de justice :.
● Si le créancier est assisté par un commissaire de justice, la procédure lui est transmise directement avec les informations essentielles (identité du créancier, du débiteur, du tiers saisi, montant de la saisie et sommes déjà réparties).
● Si le créancier n’a pas de commissaire de justice, la chambre régionale des commissaires de justice reçoit la procédure pour désigner un commissaire de justice compétent.
Cette transmission est formalisée par un procès-verbal du greffe établi en double exemplaire, dont un est conservé par le greffe et l’autre remis au commissaire de justice ou à la chambre régionale des commissaires de justice.
Gestion des demandes déposées auprès des tribunaux avant le 1er juillet 2025 :
Des demandes déposées avant le 1er juillet 2025 n’auront peut-être pas encore fait l’objet de saisie des rémunérations auprès du tiers. Dans ce cas :
- Les contestations et demandes incidentes introduites avant le 1er juillet 2025 sont transmises au commissaire de justice après que la décision judiciaire soit définitive.
- Les requêtes en saisie introduites avant cette date sont également transmises après la phase de conciliation ou une fois le jugement de saisie devenu définitif.
- Pour les demandes transmises avant le 1er juillet 2025, les saisies ne seront donc pas mises en place, elles seront transmises à un commissaire de justice pour mise en place.
Confirmation et reprise de la procédure :
- Le créancier doit confirmer sa volonté de poursuivre la procédure auprès du commissaire de justice. Cette confirmation est inscrite au registre numérique des saisies des rémunérations. Le créancier a un délai de trois mois pour confirmer la poursuite de la saisie, à compter de la transmission du dossier.
- Un commissaire de justice répartiteur est désigné, conformément aux nouvelles règles.
- Le commissaire de justice répartiteur prend contact avec le tiers saisi pour reprendre les versements.
📌 En résumé : La réforme prévoit un arrêt des paiements aux greffes, une transmission des dossiers aux commissaires de justice, et l’obligation pour le créancier de confirmer la poursuite de la procédure dans un délai de trois mois.
Conseil aux créanciers : Anticiper la bascule
Il est fortement recommandé aux créanciers de ne plus déposer de nouvelles requêtes en saisie des rémunérations auprès des tribunaux à compter du 1er mars 2025. Cette anticipation leur permettra d’éviter que leur dossier ne soit pris dans la transition et de préparer efficacement la bascule vers le nouveau dispositif, garantissant ainsi une continuité dans le recouvrement de leurs créances.
En anticipant cette réforme, les créanciers pourront mieux organiser le transfert des dossiers et s’assurer du bon déroulement de la saisie des rémunérations dans le nouveau cadre applicable à partir du 1er juillet 2025.
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Pour toute demande d'informations supplémentaires, d'échanges personnalisés ou de conseils spécifiques concernant la réforme de la saisie des rémunérations, nous vous invitons à nous contacter. Nos équipes sont à votre disposition pour vous accompagner dans cette transition et répondre à toutes vos questions. Que vous soyez employeur ou employé, les commissaires de justice sont là pour vous fournir l'assistance nécessaire et faciliter votre adaptation aux nouvelles procédures. N'hésitez pas à nous solliciter pour bénéficier d'un accompagnement sur mesure.