Focus sur la réforme 2025 de la saisie des rémunérations


Prévue par la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2025, la réforme de la procédure de saisie des rémunérations s'inscrit dans un contexte de modernisations processuelles. La saisie des rémunérations est une mesure d’exécution forcée, elle permet à un créancier de prélever directement entre les mains de l’employeur ou de l’organisme qui verse des prestations à son débiteur (le « tiers ») une fraction de ses rémunérations en paiement de sa créance. Il s’agit actuellement de la seule mesure d’exécution forcée mobilière faisant l’objet d’une intervention préalable du juge de l’exécution et d’une mise en œuvre par les services de greffe des tribunaux judiciaires. La loi en confiera la mise en œuvre aux commissaires de justice en leur qualité d’officier public et ministériel chargé de l’exécution, sous le contrôle du juge de l’exécution.
Cette réforme, dont les modalités doivent encore être précisées par plusieurs décrets, sera effective au plus tard le 1er juillet 2025. Elle doit permettre de rendre plus attractive la procédure de saisie des rémunérations, aujourd’hui sous utilisée compte tenu de sa complexité et des délais qu’elle implique.

Le texte : Cette réforme est inscrite dans la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, dans l’article 47 


Une phase initiale plus rapide

Condition à la mise en œuvre de toute mesure d’exécution forcée, le créancier doit détenir un titre exécutoire. Sans exécution spontanée de son débiteur, il fait appel à un commissaire de justice afin que celui-ci déclenche des procédures civiles d’exécution à l’encontre du débiteur :  saisie de sommes d’argent (saisie- attribution de compte bancaire, saisie des rémunérations) ou de meubles (saisie vente de véhicule, d’actions…). La saisie des rémunérations présente la particularité d’être menée par le tribunal, avec une phase initiale comprenant une audience préalable, qui peut se révéler particulièrement longue.  

La procédure actuelle :

  1. Le créancier muni de son titre exécutoire doit adresser au greffe du tribunal judiciaire une requête en saisie des rémunérations (ou « saisie sur salaire ») de son débiteur. Le tribunal convoque alors obligatoirement les parties à une audience préalable de tentative de conciliation. Le délai d’audiencement peut prendre plusieurs mois. Si le débiteur ne se présente pas (ce qui arrive dans environ 80% des cas), l’audience de jugement peut être renvoyée.
  2. Deux issues possibles à cette audience :
    • Soit un accord est trouvé – échéancement de la dette, remboursement spontané-, et il sera appliqué, éteignant la demande,
    • Soit aucun accord n’est trouvé – refus ou absence des parties-, et la saisie des rémunérations peut être ordonnée.
  3. Le juge doit encore traiter des contestations éventuelles du débiteur, qui peuvent donner lieu à une nouvelle audience. S’il n’y a pas de contestation, le greffe du tribunal informe le tiers saisi (employeur, caisse de retraite…) qui dispose d’un délai de 15 jours pour calculer les montants qui pourront être saisis (« quotité saisissable ») et les verser au greffe.

Après la réforme :

C’est le commissaire de justice, et lui seul, qui initie la procédure, à la demande du créancier :

  1. La requête au tribunal et la tenue de l’audience sont abandonnées. Le premier acte de la procédure est la signification par commissaire de justice d’un commandement de payer au débiteur.
  2. A compter du jour de la signification, le débiteur dispose d’un mois pour, au choix :
    • Payer les sommes dues
    • Trouver un accord avec le créancier
    • Contester la mesure
  3. Un mois après le commandement de payer, si aucun accord n’a été trouvé, le créancier doit dans un délai de trois mois, faire signifier son procès-verbal de saisie à l’employeur du débiteur. C’est le créancier (ou son mandataire commissaire de justice) qui signifie la saisie au tiers et non plus le greffe du tribunal qui l’a ordonnée.

Cette nouvelle phase d’introduction, avec un délai n’excédant pas 4 mois à compter du commandement de payer, sera beaucoup plus rapide.


Le greffe déchargé du suivi de la procédure

Dans le système judiciaire français, le monopole de l’exécution des décisions de justice est confié au commissaire de justice. Il mène également certaines procédures simplifiées comme le recouvrement des chèques sans provision, le paiement direct des créances alimentaires ou le recouvrement simplifié des petites créances ou encore la procédure d’injonction de payer, procédures permettant la délivrance et l’exécution du titre exécutoire sans audience obligatoire. La réforme de la saisie des rémunérations aligne la procédure sur les autres mesures d’exécution forcées : l’ensemble des opérations en est confié au commissaire de justice, grâce à la création d’un statut de répartiteur. Un registre numérique administré par la Chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ) répertoriera toutes les procédures de saisie des rémunérations au niveau national pour une meilleure coordination.

Dans la procédure actuelle : le suivi de la procédure est entièrement à la charge du greffe.

Pendant le déroulement de la procédure, ce sont actuellement les services du greffe qui sont les interlocuteurs de l’employeur et contrôlent les opérations.

  • S’il y a plusieurs employeurs ou organismes versant des rémunérations au débiteur, le greffe détermine d’après les éléments fournis par les tiers (montant des salaires, des prestations sociales…) les quotités saisissables
  • S’il y a plusieurs créanciers (qui ne sont pas prioritaires) demandant une saisie - (on parle d’«intervention »), il réparti les sommes perçues pour les leur reverser au prorata des créances.
  • Il est également tenu informé par le tiers employeur de toute autre saisie émanant d’un créancier prioritaire, comme le trésor public (dans le cadre d’une procédure appelée « saisie administrative à tiers détenteur ») ou un créancier alimentaire (par exemple, au travers d’une procédure de paiement direct pour le recouvrement d’une pension alimentaire). Dans ce cas, le greffier peut suspendre la saisie sur salaire initiale ou la réduire, le temps que le recouvrement prioritaire soit achevé.
  • En cas de contestation des parties sur le calcul des quotités ou tout autre incident, le greffe est saisi afin que le tribunal statue.
  • Enfin, c’est à nouveau le Greffe qui reçoit la demande de mainlevée de la part du débiteur lorsque la dette est éteinte, et qui notifie la décision du tribunal à l’employeur pour faire cesser les prélèvements.

Avec la réforme, le commissaire de justice répartiteur devient le principal interlocuteur des parties.

La loi prévoit que pour mettre en œuvre la saisie sur les salaires, le débiteur ou son mandataire commissaire de justice devra demander la désignation, opérée selon un processus aléatoire, d’un “commissaire de justice répartiteur” figurant sur une liste diffusée par la Chambre nationale des commissaires de justice.

Ce commissaire de justice répartiteur, formé spécifiquement au suivi de la procédure, prendra en charge les tâches assumées précédemment par les services du greffe du tribunal judiciaire : vérification du calcul des quotités, répartition des sommes saisies entre les créanciers…il réalisera au même titre que pour les autres procédures de saisie, des opérations de séquestre et de comptabilité pour le compte du créancier. Sur une même procédure, pourront donc cohabiter un commissaire de justice « saisissant », qui enclenchera la mesure, et un commissaire de justice répartiteur qui sera chargé de sa mise en œuvre en toute indépendance. Les frais de justice occasionnés seront supportés par le débiteur.

La création d’un registre national de saisies des rémunérations 

Actuellement il n’existe pas un tel registre : en cas de déménagement du débiteur et donc de changement de juridiction territorialement compétente, le nouveau tribunal n’a pas connaissance des saisies entreprises auprès de la précédente juridiction.

Ce registre numérique répertoriera toutes les saisies des rémunérations, obligatoirement inscrites par les commissaires de justice qui engageront cette procédure.

La tenue de ce registre contrôlé et sécurisé sera confiée à la Chambre nationale des commissaires de justice, qui devra en transmettre gratuitement et annuellement au ministre de la Justice les données à des fins statistiques.


Ce qui ne change pas avec la réforme de la saisie des rémunérations :

La procédure de saisie des rémunérations concerne le salaire ou les revenus réguliers du débiteur. Ces sommes ayant un caractère alimentaire, cette saisie conserve un régime de protection spécifique du débiteur. C’est pourquoi la réforme ne touche pas aux règles de calcul des quotités saisissables, et qu’elle prévoit un maintien du contrôle du juge, même si celui-ci se fera a posteriori..

Les règles relatives au calcul des quotités et au minimum insaisissable sont conservées.

L’assiette de la saisie, les proportions et les seuils déterminés par le code du travail restent inchangés et sont toujours régies par le code du travail.

Ainsi, certains revenus demeurent insaisissables (primes d’intéressement, remboursement des frais professionnels…) et l’employeur devra toujours laisser un montant déterminé décret.

Le pouvoir de contestation du débiteur et la possibilité de contrôle du juge sont maintenus :

  • Lors de la phase initiale, le commandement de payer (voir plus haut), ouvrira dans un délai d’un mois la possibilité pour le débiteur de contester le fondement de la saisie. Cette saisine du tribunal suspendra la mise en œuvre de la procédure, jusqu’à ce que le juge valide ou invalide le commandement de payer.
  • Le débiteur pourra également saisir le juge de l’exécution (JEX) à tout moment de la procédure. Celui-ci pourra contrôler la mise en œuvre de la saisie : calcul des quotités, respect des montants ou sommes non saisissables…En revanche, ce recours ne suspendra pas la procédure, afin d’éviter les recours ayant pour seul objet de retarder l’exécution de la saisie.
  • Enfin, comme pour toute mesure d’exécution forcée, le débiteur peut saisir le JEX s’il estime la mesure « inutile ou abusive ».


Le calendrier de la réforme

Au jour de l’entrée en vigueur du texte, toutes les procédures de saisie en cours seront transmises aux commissaires de justice. Un décret d’application doit venir préciser les modalités de ce transfert.

Jusqu’à cette date, la Chambre nationale des commissaires de justice et les services du ministère de la Justice travaillent à la finalisation de la réforme : création d’une formation spécifique des commissaires de justice répartiteurs, création du registre national des saisies des rémunérations, transfert matériel des procédures existantes du greffe aux commissaires de justice.


Nous contacter au sujet de la réforme de la saisie des rémunérations :

Pour toute demande d'informations supplémentaires, d'échanges personnalisés ou de conseils spécifiques concernant la réforme de la saisie des rémunérations, nous vous invitons à nous contacter. Nos équipes sont à votre disposition pour vous accompagner dans cette transition et répondre à toutes vos questions. Que vous soyez employeur ou employé, les commissaires de justice sont là pour vous fournir l'assistance nécessaire et faciliter votre adaptation aux nouvelles procédures. N'hésitez pas à nous solliciter pour bénéficier d'un accompagnement sur mesure.

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