La saisie sur salaire ou "Saisie des rémunérations"


En cas de non-paiement d’une dette envers une entreprise ou un particulier, les salaires versés par votre employeur peuvent faire l’objet d’une saisie afin d’en réserver une partie pour vos créanciers. On parlera alors d’une saisie des rémunérations. La procédure, diligentée par un commissaire de justice ou par le créancier directement, est très encadrée. Tentatives de conciliation et recours en cas de contestation sont possibles.


Qu’est-ce qu’une saisie sur salaire ?

La saisie des rémunérations permet à un créancier d'obtenir le versement de la somme qui lui est due par son débiteur, si celui-ci exerce une activité salariée, quelle que soit son contrat de travail. L'employeur doit affecter une partie du salaire de son salarié-débiteur au remboursement de la dette. Le salarié ne reçoit plus qu'une partie de son salaire.

A noter : le terme « saisie des rémunérations » est plus approprié car la saisie peut porter sur d’autres rémunérations que le seul salaire, comme notamment une retraite. Par commodité, nous nous en tiendrons au salaire à proprement parler, mais la procédure est transposable auprès de tout tiers-saisi qui verse une prestation récurrente autre qu’un employeur stricto sensu.


Qui peut demander une saisie sur salaire et à quelles conditions ?

Tout créancier, c’est-à-dire une personne à qui vous devez de l’argent, peut demander une saisie sur salaire. Il peut s’agir par exemple : 

    • d’une entreprise à qui vous n’avez pas réglé une facture ou un abonnement,
    • d’un établissement de crédit ou bancaire si vous ne payez pas vos mensualités
    • d’un établissement privé à qui vous ne payez pas des frais de scolarité ou de cantine.
    • Le bénéficiaire d’une pension alimentaire (conjoint, enfant..) à qui vous ne versez pas les montants dus.

A noter :

  • S’il s’agit d’une créance publique (amende, impôts, frais hospitaliers, cantine…), le trésor public est votre créancier. Il procède directement à une saisie administrative à tiers détenteur, sans passer par le tribunal.
  • S’il s’agit d’une créance alimentaire (pension alimentaire), elle peut faire l’objet d’une procédure spécifique appelée « paiement direct ».

Votre créancier doit obligatoirement avoir obtenu un titre exécutoire, c’est-à-dire une décision de justice qui constate une créance liquide (un montant chiffré) et exigible (dont le paiement est arrivé à échéance) : le plus souvent il s’agit d’un décision de justice, mais ça peut être un procès-verbal de conciliation- ou un accord dans le cadre d’un divorce, par lequel vous vous êtes engagé à payer une somme d’argent, un acte notarié ...

Le créancier ou le professionnel à qui il a donné procuration (avocat, commissaire de justice…) doit ensuite former une requête devant le tribunal judiciaire.


Quelles sont les obligations de l'employeur ?

Le tribunal informe l'employeur de la procédure par une ordonnance de saisie adressée par lettre recommandée avec avis de réception.

Dans les 15 jours, il doit informer le tribunal :

  • de la situation du salarié dans l'entreprise (CDD ou CDI, par exemple)
  • et des éventuelles autres saisies en cours concernant ce salarié

A défaut de quoi, il peut être condamné à une amende allant jusqu’à 10.000 euros.

C’est à l’employeur qu’incombe la tâche de verser mensuellement au greffe du tribunal la somme saisissable. L'employeur qui ne ferait pas ces versements peut être condamné à rembourser personnellement la dette de son salarié et au versement de dommages et intérêts.

Il doit également indiquer la nature et le montant de ces prélèvements sur la fiche de paie.


Quelles règles doit respecter la procédure de saisie sur salaire ?

Parce qu’elle touche une créance particulière - le salaire - la saisie des rémunérations comporte certaines spécificités qui la distinguent d’autres procédures comme la saisie-attribution.

Obligation d’une tentative de conciliation

Toute saisie des rémunérations débute obligatoirement par une audience de conciliation au tribunal entre votre créancier et vous.

Le déroulement de la conciliation

  • Vous serez convoqué 15 jours au moins avant l’audience par le greffe, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Si vous êtes absent lors du passage des services postaux, allez chercher cette lettre, elle vous donnera le lieu, la date et l’heure de la conciliation et vous informera sur vos droits.
  • Vous pouvez vous y faire assister ou représenter par un avocat, un commissaire de justice, ou par tout mandataire muni d’une procuration
  • Le but est de trouver une solution amiable. Vous pouvez proposer des solutions à votre créancier, comme un étalement du remboursement de la dette ou au contraire un remboursement plus rapide.

Les issues de l’audience de conciliation

Le créancier accepte votre proposition 

Le créancier et le débiteur signent un procès-verbal de conciliation, validé par le magistrat. La procédure de saisie des rémunérations est close et le remboursement s’effectuera selon les modalités fixées lors de la conciliation.

Attention, si vous ne respectez pas les termes de la conciliation, votre créancier pourra demander au greffe du tribunal de procéder à la saisie, sans nouvelle tentative de conciliation.

Le créancier refuse votre proposition :

Il sera établi par ordonnance un procès-verbal de non-conciliation après que le juge aura vérifié le montant de la créance et tranché les contestations éventuelles.
Le greffier procèdera à la saisie dans les 8 jours au vu de ce procès-verbal.
Une copie vous sera envoyée par courrier simple et l’employeur sera prévenu par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Attention, même si vous ne vous présentez pas à la tentative de conciliation, le juge pourra tout de même ordonner la saisie.

Toutes les rémunérations ne sont pas saisissables

Sont saisissables :

  • Le salaire net – hors CSG, CRDS et prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu)
  • Les primes et majorations de salaire au titre des heures supplémentaires
  • Les avantages en nature (sur leur valeur)

Comme pour la saisie-attribution, certaines sommes restent en revanche insaisissables :

  • le remboursement des frais professionnels
  • Les primes de participation ou d’intéressement
  • Indemnités de licenciement ou de rupture conventionnelle

 

D’autres revenus peuvent être concernés par la saisie des rémunérations : indemnités maladie, allocation de chômage, de chômage partiel, allocation de retour à l’emploi, pensions de retraites…dans ce cas le tiers saisi n’est pas l’employeur mais l’organisme qui vous verse ces restations, comme la CAF, la MSA, la sécurité sociale ou France Travail.  

Lorsqu’ils sont connus, c’est sur l’ensemble des revenus saisissables qu’est opérée la saisie.

Dans le cas de plusieurs employeurs ou de plusieurs organismes versant des prestations saisissables, le greffe du tribunal calcule au préalable les retenues que chaque employeur retiendra. Si l’un d’entre eux peut verser la totalité des sommes, il pourra être désigné pour opérer la saisie globale.

 

Tout le salaire ne peut pas être saisi

Comme dans le cadre de la saisie sur compte bancaire, il n’est pas possible de saisir la totalité de votre salaire. Le montant maximum mensuel saisissable est fixé tous les ans par décret dans un barème. On parle de « fraction saisissable ».

Le calcul du montant saisi :

Sur la totalité des rémunérations saisissables concernées (en général sur la base des 12 derniers mois), le barème est appliqué de façon progressive : pour chaque tranche du revenu, est calculée la part saisissable correspondante. La tranche au-delà de 2100 € est par exemple saisissable en totalité.

Si vous avez des personnes à charges (enfants, parent ou conjoint dont les revenus sont inférieurs à 607,75 €), ces tranches sont majorées de 140,83€ pour chacune d’entre elles.

Le montant minimum restant :  

Comme dans le cadre d’une saisie sur compte bancaire (on parle alors du solde bancaire insaisissable), une somme minimale mensuelle doit vous être laissée, elle figure sur le décret sus mentionné qui prend en compte deux éléments : le montant de vos revenus et le nombre de personnes à charge pour déterminer la quotité saisissable, et par défaut la différence est laissée à disposition du débiteur.


Les évènements qui peuvent modifier une saisie sur salaire :

  • Un autre créancier peut se joindre à la procédure initiale : on parle d’intervention. Le montant saisi ne change pas, mais il sera partagé entre les différents créanciers, au marc le franc, c’est-à-dire de façon proportionnelle au montant ce chaque créance. Dans ce cas il n’est pas procédé à une nouvelle tentative de conciliation.
  • Un avis à tiers détenteur du Trésor Public (dette fiscale, amende) peut être notifié à l’employeur : dans ce cas, la saisie des rémunérations est suspendue jusqu’au paiement complet de cette dette prioritaire.
  • Une demande de paiement direct de pension alimentaire est formulée : dans ce cas, elle devient prioritaire
  • Si vous déménagez, la saisie se poursuit devant le nouveau tribunal judiciaire dont vous dépendez
  • Si vous changez d’employeur, la saisie sera poursuivie sans conciliation préalable entre les mains du nouvel employeur, si la demande est faite dans l’année suivant l’information donnée par l’ancien employeur ou tout autre moyen.


Quels sont les recours possibles en cas de saisie sur salaire ?

Il ne s’agit pas ici de contester l’origine de la créance : si la saisie a été mise en œuvre c’est que le créancier a obtenu un titre exécutoire et donc que la justice s’est prononcée sur la validité de la demande du créancier. En revanche, il est possible de faire valoir des difficultés financières ou de dénoncer des irrégularités dans la procédure de saisie.

Difficultés financières :

Demander un étalement de la dette :

Avant que ne débute la saisie sur salaire, vous pouvez, et c’est fortement recommandé, directement contacter le commissaire de justice pour demander un étalement du remboursement de la dette concernée. En cas de refus il est également possible de demander cet étalement auprès du juge de l’exécution. En cas d’acceptation de l’un ou l’autre, la saisie est suspendue et le remboursement se fera selon les modalités de l’accord conclu.

Demander un délai de grâce :

Pour une suspension provisoire mais complète, vous pouvez également demander à bénéficier d'un délai de grâce pouvant aller jusqu'à deux ans, si vous apportez la preuve de difficultés financières importantes vous empêchant de vous acquitter immédiatement de la dette.

Le délai de grâce peut être obtenu auprès du juge de l’exécution qui a ordonné la saisie.

Contester le calcul ou la procédure de la saisie sur salaire :

Vous pouvez contester la saisie sur salaire, si vous estimez :

  • que la procédure n’a pas été respectée (vices de procédure) 
  • que les sommes qui doivent être saisies dépassent le barème légal

Vous devez formuler une contestation auprès du juge de l’exécution du tribunal judiciaire et être en mesure de produire des justificatifs pour prouver par exemple :

  • Le non-respect des règles de calcul du montant légalement saisissable
  • Une erreur dans la procédure de saisie

A noter : une démarche amiable préalable est fortement recommandée pour vous éviter d’être éventuellement condamné pour procédure abusive, d’autant que le juge a déjà eu à se prononcer lors de l’audience préalable.


La fin de la procédure

La saisie des rémunérations prend fin :

  • Si vous avez intégralement remboursé votre dette : vous pouvez demander la mainlevée de la saisie. En pratique si la saisie avait été ordonnée, c’est le Greffe du tribunal qui fera prendre une ordonnance de main-levée qui vous sera notifiée; s’il y avait eu conciliation, et que le suivi de votre plan de remboursement était effectué par un commissaire de justice, c’est ce dernier qui clôturera votre dossier.
  • Si vous avez trouvé un accord avec votre créancier : cet accord doit être transmis au greffe du tribunal demandant la suspension ou la levée de la saisie.

 

La mainlevée est notifiée aux parties par le greffe.