Collectivités : ma commune doit gérer des biens publics, comment faire ?
21 novembre 20232ème Congrès national des commissaires de justice les 14 et 15 décembre 2023
11 décembre 2023Vous êtes un professionnel du BTP et vous êtes séduit par les promesses des applications mobiles ou logiciels offrant des constats 2.0 qui n’en finissent pas de fleurir sur Internet. Attention cependant, à ne pas prendre ces applications en ligne pour des commissaires de justice ! Si ces dernières peuvent avoir des avantages sur l’instant, elles peuvent aussi vous exposer à des situations compliquées… notamment vous laisser sans recours ni preuve tangible en cas de litige.
I. LES AVANTAGES :
1. Rapidité et gain de temps
Depuis quelques années, les applications mobiles ont la côte auprès des professionnels du BTP, qu’ils travaillent dans le secteur de la construction, du bâtiment ou des travaux publics. Il faut dire que leurs offres sont alléchantes : preuves géolocalisées, photos horodatées, constats en ligne… en un clic tout est fait, vérifié et expédié ! Le gain de temps et donc de productivité sont mis en avant, fini les tâches administratives chronophages !
Par exemple, l’une de ces solutions en ligne, couplée à une application mobile, dédiée aux professionnels du bâtiment vous propose de “simplifier tout type de processus terrain au quotidien” comme le constat de travaux mais aussi l’état des lieux.
Une solution qui peut sembler intéressante, à moins d’ignorer qu’avec 3 700 commissaires de justice présents en France, on peut considérer le maillage territorial comme suffisant pour trouver facilement et rapidement un commissaire de justice partout, où que l’on soit !
2. Une preuve immédiate… à prendre avec des pincettes !
D’autres applications vous proposent la preuve en images grâce à une certification de photos et vidéos horodatées et géolocalisées. Par exemple, une application mobile se présente comme “la solution idéale pour vos projets de constructions, ou vos litiges du quotidien”, offrant de préserver vos droits par la prise de photos ou de vidéos sécurisées dans un rapport infalsifiable, transformable selon vos besoins en procès-verbal d’officier ministériel de justice”.
Mais attention ici aux pratiques commerciales trompeuses ! Méfiez-vous des sites qui utilisent par exemple la Marianne, c’est-à-dire le sceau de la profession, ou encore le terme « commissaire de justice » dans leur communication, ou qui vantent leurs services en vous laissant croire que ceux-ci auront la même valeur juridique qu’un constat de commissaire de justice.
Par une décision du 21 décembre 2017, le tribunal correctionnel de Paris a sanctionné les « faux » constats internet établis par des sites commerciaux de ce type. Lorsque de tels sites reçoivent les demandes de constat de la part d’un client, ils réalisent les constatations avant de les transmettre à un commissaire de justice pour un simple horodatage. Or, le constat réalisé par une société commerciale et simplement horodaté par un commissaire de justice n’a qu’une force probante diminuée, il n’a valeur que de simple renseignement.
Par ailleurs, bien que certaines plateformes fassent réellement intervenir un commissaire de justice, il ne s’agit absolument pas d’un constat, mais d’un procès-verbal de dépôt, de photos en l’occurrence. Cet acte est parfaitement valable mais il permet seulement de donner date certaine à des photos par exemple, lesquelles sont sommairement décrites par le commissaire de justice.
Pour effectuer un constat, le commissaire de justice doit obligatoirement se rendre sur place pour effectuer les constatations lui-même, ce qui lui permet de bien appréhender tout l’environnement.
3. Un faible coût pour les utilisateurs
Il est certain que ces applications et sites internet sont très intéressants pour les professionnels, notamment les petites entreprises du BTP, qui ne souhaitent pas débourser beaucoup d’argent pour une consultation juridique.
En effet, les services proposés par ces plateformes sont de l’ordre de quelques dizaines d’euros par mois, tandis que l’intervention d’un commissaire de justice est bien plus onéreuse. En la matière,
Leur rémunération est libre et dépend du temps qu’ils passent sur une mission, de la difficulté et des méthodes utilisées pour réaliser le constat dans les meilleures conditions. Par exemple, le constat réalisé à l’aide d’un drône sera plus cher.
II. LES INCONVÉNIENTS
1. Des constats sans valeur probante solide
C’est une évidence qu’il est bon de rappeler ici mais devant un juge, en cas de litige, le seul acte qui possède une valeur probante solide est le constat réalisé par commissaire de justice.
De plus, leurs constats sont rédigés de manière à ce qu’ils comportent toutes les mentions qui constituent un acte authentique, c’est-à-dire que c’est un document officiel rédigé par un officier public, qui est donc extrêmement difficile à remettre en cause lors d’un procès.
Le constat internet établi par un commissaire de justice vaut jusqu’à preuve contraire depuis la loi du 22 décembre 2010.
2. Pas d’impartialité, de neutralité et d’objectivité
Officier public et ministériel, le commissaire de justice dresse des constats qui attestent de la réalité d’un fait, de façon neutre et impartiale. Concrètement, il se rend sur place, prend des photos et/ou des vidéos, et décrit factuellement ce qu’il a vu, à travers des constatations matérielles objectives. De sa présence physique sur les lieux, dépend la validité du constat. Dans certains cas le constat peut avoir lieu en son office : constat sur internet, ou constat de SMS par exemple.
Le risque avec les applications qui proposent des “pseudos-constats” c’est d’avoir une preuve rapportée par une partie prenante qui serait biaisée en raison de ses intérêts. Par exemple, lors d’un constat sur l’état des travaux de peinture d’un chantier, le commissaire de justice va photographier l’ensemble des murs, là où le professionnel pourrait être tenté de ne photographier qu’un pan du mur.
C’est la même chose pour les applications qui permettent de faire des constats en visio avec un commissaire de justice. La personne qui tient la caméra peut choisir de ne montrer que ce qu’elle veut à l’officier public. Outre une géolocalisation imprécise qui ne dit pas par exemple à quel étage d’un immeuble la prise de vue a lieu…
3. Des coûts imprévus : engager responsabilité, aller vers un éventuel procès…
Ce que vous gagnez en ne déboursant que quelques euros dans ces applications, vous risquez de le perdre tôt ou tard. En résumé, les avantages procurés par le constat sont sans commune mesure avec son coût.
Il est fortement recommandé aux professionnels du BTP, quelle que soit la taille de leur entreprise, de faire appel aux constats établis par un commissaire de justice afin de protéger leur activité à toutes les étapes du chantier.
Il faut garder à l’esprit que le recours à un commissaire de justice a d’abord un effet dissuasif, notamment dans le milieu du BTP avec les constats avant travaux, qui découragent par exemple les demandes intempestives du voisinage tenté d’imputer des désordres antérieurs aux travaux en cours.
Pendant le chantier, le constat peut servir à prouver un retard. Une précaution nécessaire dans un domaine où les différents corps de métier interviennent successivement, et où tout retard affecte le chantier suivant. Afin de ne pas être tenu responsable du retard dans la livraison, ce qui entraînerait le paiement de pénalités, l’entreprise peut faire constater par un commissaire de justice son incapacité à travailler dans les délais prévus, en raison de l’impréparation du chantier. Mais, en cours de chantier, le commissaire de justice peut aussi être appelé pour faire constater un imprévu, pouvant entraîner des travaux supplémentaires.
Enfin, en cas de différend, le constat pourra servir d’outil de conciliation, ou, devant les tribunaux, de preuve indiscutable.
A noter que pour accroître l’attractivité de leurs prestations, les commissaires de justice ont développé le constat immersif à 360°. Ce dernier – qui peut s’utiliser pour réaliser un constat de travaux comme d’état des lieux – offre une vision d’ensemble d’une rue, d’un chantier, d’un immeuble, d’une pièce, sans rien oublier. Concrètement, le commissaire de justice se rend sur les lieux et réalise le constat à l’aide d’une caméra spécifique qui lui permet d’obtenir une vue complète d’un environnement (prise de droite à gauche et de haut en bas). Dans cette prise de vue à 360° de l’objet de son constat, il peut indiquer des points d’attention, avec des zooms et des remarques précises sous ses photographies.