
Start-up, entreprise, marque : mon idée va révolutionner le marché, comment la protéger ?
5 février 2024
Associations et syndic de copropriétaires, que faire en cas de problème lors d’une Assemblée générale ?
6 mai 2024La protection juridique des majeurs est un domaine très particulier dans lequel les abus peuvent être nombreux.
En effet, les mesures de protection ont pour objet de restreindre les libertés d’une personne vulnérable, tout en autorisant un tiers à diligenter diverses actions et droits en lieu et place du majeur protégé.
Quel est le cadre juridique de ces mesures de protection ? En quoi consistent elles ? Et qui peut protéger et gérer les biens des majeurs sous tutelle ou curatelle quand les membres de leurs familles ne peuvent pas eux-mêmes assurer ces missions ?

En France, environ un million de majeurs protégés sont soumis à des mesures de protection juridique telles que la tutelle, la curatelle ou encore la sauvegarde de justice. Les personnes qui en bénéficient sont dans l’incapacité de pourvoir seules à leurs intérêts en raison d’une altération de leurs facultés personnelles. Ce sont par exemple des personnes âgées, des personnes souffrant d’un handicap ou de troubles psychiatriques.
La loi prévoit la priorité familiale pour gérer ces mesures. Concrètement, le juge des tutelles nomme un membre de la famille volontaire pour gérer les biens du majeur protégé. C’est pourquoi la moitié des mesures de protection sont confiées à un membre de la famille de la personne incapable.
L’autre moitié des mesures est gérée par des professionnels : les mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Le plus souvent il s’agit de services associatifs (80% des cas) ou de mandataires libéraux.
I. L’inventaire
Au début de toute mesure de protection juridique la réalisation d’un inventaire des biens mobiliers et immobiliers ainsi que des comptes bancaires du majeur protégé est indispensable.
1. Définition et contenu de l’inventaire
L’inventaire dresse l’état du patrimoine de la personne protégée lors de la mise en place de la mesure de protection.
C’est une obligation légale prévue par l’article 503 du Code civil. En effet, l’inventaire doit être réalisé dans les 3 mois à compter du prononcé de la mesure par le juge des tutelles pour les biens corporels et dans les 6 mois pour les autres biens, accompagné du budget prévisionnel.
L’inventaire comporte :
– Une description du mobilier (meubles meublants, véhicules, coffre-fort, bijoux de valeurs, bétail,…) de la personne protégée ;
– Une estimation de ses biens immobiliers ainsi que des biens mobiliers ayant une valeur supérieure à 1500€ ;
– Un inventaire des avoirs financiers : désignation des espèces en numéraire, état des comptes courants, placements (Livret, PEL, CSL), titres divers (PEA, Comptes titres …), contrats d’assurance-vie, contrats obsèques, parts sociales …
Le curateur ou le tuteur doit actualiser l’inventaire en cas de changement significatif de la situation de la personne protégée.
2. Qui peut-faire l’inventaire ?
En principe, le membre de la famille en charge d’un majeur protégé peut trouver auprès du tribunal judiciaire un modèle (ou formulaire) d’inventaire. Il lui reviendra donc de se rapprocher du greffe du juge des tutelles pour en avoir un exemplaire. A défaut, il devra établir lui-même ce document.
En cas de curatelle simple, il vérifie si le jugement mentionne la réalisation de l’inventaire. Si ce n’est pas le cas, il n’a pas à le faire.
Dans certains cas, le juge désigne, aux frais du majeur, des professionnels comme un commissaire de justice ou un notaire, pour procéder à l’inventaire des meubles corporels dans le jugement d’ouverture de la mesure de protection :
- s’il l’estime nécessaire au vu des éléments d’information qui lui sont communiqués (hébergement d’un tiers à titre gratuit alors que des biens de valeur se trouvent dans les lieux, train de vie luxueux,…).
- en cas de défaillance, de retard du curateur ou du tuteur dans l’établissement de cet inventaire.
Le commissaire de justice est l’un des plus habilité à dresser des inventaires car c’est l’une de ses missions habituelles. En outre, le fait qu’il ait l’habitude de se rendre au domicile des justiciables mais également son sens de l’adaptation aux différentes situations, en font un correspondant naturel.
Ainsi, le commissaire de justice peut intervenir dès le début de la mesure de protection.
3. Procédure
L’inventaire doit être daté et signé par :
- La personne protégée (si son état de santé ou son âge le permet) ;
- Le curateur ou le tuteur ;
- Les deux témoins, si l’inventaire n’est pas réalisé par un officier public ou ministériel ;
- Le subrogé curateur ou subrogé tuteur s’il a été désigné par le juge des tutelles.
Notez que les frais d’inventaire sont à la charge de la personne protégée.
II. Le contrôle des comptes rendus de gestion annuels
Si vous êtes désigné, vous avez l’obligation de remettre chaque année, au tribunal judiciaire, un « compte-rendu de gestion annuel ».
1. Définition
Ce document retrace l’ensemble des opérations financières réalisées sur le compte de gestion pendant l’année écoulée (ressources et dépenses). C’est-à-dire :
- Les mouvements d’épargne (placements, retraits, clôtures ou ouvertures de comptes)
- Les dispositions en matière de patrimoine immobilier (vente ou achat notamment).
- toute opération relative aux biens meubles corporels. Comme par exemple, la vente ou l’achat de véhicule, de meubles ou d’objet de valeurs.
- l’évolution du remboursement des dettes s’il en existe.
Le document doit annexer les pièces justificatives des opérations les plus importantes. De même pour les relevés bancaires arrêtés à la date d’échéance de ce compte annuel (le plus souvent, au 31 décembre).
Le tuteur a l’obligation de maintenir les comptes existants dans l’organisme ou les organismes bancaires de la personne majeure protégée. Il lui est strictement interdit de transférer la gestion des comptes dans sa propre banque afin de préserver les habitudes de la personne protégée.
2. But
Ce document permet de vérifier que le représentant légal s’acquitte avec diligence de ses obligations. D’autre part, il s’assure que les intérêts de la personne protégée sont correctement administrés et défendus.
Toutefois, si le patrimoine et les revenus de la personne protégée sont très faibles, le juge des tutelles peut autoriser le tuteur ou le curateur à ne pas établir ce document (uniquement si la mesure n’est pas confiée à un professionnel).
3. Procédure
- Une évolution du contrôle
L’organisation de ce contrôle a évolué au fil des années.
De 1968 à 1995 ce contrôle était exercé par le juge des tutelles lui-même. Vers la fin des années 90, cette mission est attribuée aux directeurs de greffe. La responsabilité du bon déroulé de toutes les opérations monétaires effectuées au nom et pour le compte du protégé au cours de l’année écoulée leur était attribuée. Le juge conservait alors la possibilité d’approuver le compte.
A partir de 2009, les directeurs de greffes, débordés par leurs missions traditionnelles, se sont retrouvés assistés pour ce contrôle par les seuls huissiers de justice (à l’époque, on ne parlait pas encore de commissaires de justice, la réforme de leur profession n’étant pas entrée en vigueur).
Enfin, depuis 2019 le juge peut décider que la mission de vérification et d’approbation est exercée par un professionnel qualifié.
- La mise en place d’une externalisation du contrôle des comptes de gestion
C’est l’article 512 du Code Civil, dans sa nouvelle version, qui le prévoit dont le décret d’application n’est à ce jour pas encore entré en vigueur. Il devrait l’être courant 2024.
Cette externalisation permet à un officier public et ministériel ou à un expert des chiffres, d’opérer ce contrôle. D’après la loi, ce « professionnel qualifié » peut être « un notaire, un commissaire aux comptes, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ou un commissaire de justice ».
Or, le commissaire de justice dispose d’une expertise historique en matière de contrôle des comptes de gestion. D’une part par l’assistance qu’ils portaient antérieurement aux greffes et d’autre part, par la réalisation d’inventaires qu’ils dressent au quotidien pour les majeurs protégés.
NB : En attendant l’entrée en vigueur du nouveau décret ,le juge des tutelles a fait le choix de désigner des commissaires de justice pour qu’ils procèdent au contrôle des comptes rendus de gestion au moment du renouvellement de la mesure (elles sont prononcées pour 5 ans), en les désignant comme « techniciens ».
Pour approfondir : Tutelles, curatelles, les bons réflexes de protection du patrimoine