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En effet, les mesures de protection ont pour objet de restreindre les libertés d’une personne vulnérable, tout en autorisant un tiers à diligenter diverses actions et droits en lieu et place du majeur protégé (tutelle), ou à tout le moins, avec son concours (curatelle).
Comment ces mesures de protection sont-elles juridiquement encadrées ? En quoi consistent-elles ? Et qui peut avoir pouvoir pour protéger et gérer les biens des majeurs sous tutelle ou curatelle quand les membres de leurs familles ne peuvent pas eux-mêmes assurer ces missions ?
En France, on estime qu’il y a un million de majeurs protégés, c’est-à-dire soumis à des mesures de protection juridique telles que la tutelle, la curatelle ou encore la sauvegarde de justice. Les personnes qui en bénéficient sont par définition dans l’incapacité de pourvoir seules à leurs intérêts en raison d’une altération de leurs facultés personnelles. Ce sont par exemple des personnes âgées, des personnes souffrant d’un handicap suite à un accident de la vie ou souffrant de troubles psychiatriques.
La loi prévoit la priorité familiale pour gérer ces mesures. C’est-à-dire que le juge des tutelles nomme un membre de la famille s’il y a un volontaire pour gérer les biens du majeur protégé. En vertu de ce principe, environ la moitié des mesures de protection sont confiées à un membre de la famille de la personne incapable.
L’autre moitié des mesures est gérée par des professionnels : les mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Le plus souvent il s’agit de services associatifs (80% des cas) ou de mandataires libéraux.
I. L’inventaire
La première chose à faire au début de toute mesure de protection juridique, que ce soit une tutelle, une curatelle ou encore une sauvegarde de justice, est de réaliser un inventaire des biens mobiliers et immobiliers ainsi que des comptes bancaires du majeur protégé.
1. Définition et contenu de l’inventaire
L’inventaire est un état précis de la consistance du patrimoine de la personne protégée au moment de la mise en place de la mesure de protection.
C’est une obligation légale posée par l’article 503 du Code civil qui dispose que l’inventaire doit être réalisé dans les 3 mois à compter du prononcé de la mesure par le juge des tutelles pour les biens corporels et dans les 6 mois pour les autres biens, accompagné du budget prévisionnel.
L’inventaire doit comporter :
– Une description du mobilier (meubles meublants, véhicules, coffre-fort, bijoux de valeurs, bétail,…) de la personne protégée ;
– Une estimation de ses biens immobiliers ainsi que des biens mobiliers ayant une valeur supérieure à 1500€ ;
– Un inventaire des avoirs financiers : désignation des espèces en numéraire, état des comptes courants, placements (Livret, PEL, CSL), titres divers (PEA, Comptes titres …), contrats d’assurance-vie, contrats obsèques, parts sociales …
Notez que le curateur ou le tuteur doit actualiser l’inventaire en cas de changement significatif de la situation de la personne protégée.
2. Qui peut-faire l’inventaire ?
En principe, le membre de la famille en charge d’un majeur protégé peut trouver auprès du tribunal judiciaire un modèle (ou formulaire) d’inventaire. Il lui reviendra donc de se rapprocher du greffe du juge des tutelles pour en avoir un exemplaire. A défaut, il devra établir lui-même ce document.
Notez, qu’en cas de curatelle simple, il doit vérifier si la réalisation de l’inventaire est mentionnée dans le jugement ; si ce n’est pas le cas, il n’a pas à le faire.
Dans certains cas, le juge, peut désigner, aux frais du majeur, des professionnels comme un commissaire de justice ouun notaire pour procéder à l’inventaire des meubles corporels dans le jugement d’ouverture de la mesure de protection :
- s’il l’estime nécessaire au vu des éléments d’information qui lui sont communiqués (hébergement d’un tiers à titre gratuit alors que des biens de valeur se trouvent dans les lieux, train de vie luxueux,…).
- en cas de défaillance, de retard du curateur ou du tuteur dans l’établissement de cet inventaire.
Notez que parmi tous ces professionnels, le commissaire de justice est probablement celui qui est le plus habilité à dresser des inventaires car cela fait partie de ses missions habituelles. Son intervention paraît donc opportune. En outre, le fait que le commissaire de justice ait l’habitude du patrimoine, de se rendre au domicile des justiciables mais également son sens de l’adaptation aux différentes situations, en font un correspondant naturel.
=> Ainsi, le commissaire de justice peut intervenir dès le début de la mesure de protection.
3. Procédure
L’inventaire doit être daté et signé par :
- La personne protégée (si son état de santé ou son âge le permet) ;
- Le curateur ou le tuteur ;
- Les deux témoins, si l’inventaire n’est pas réalisé par un officier public ou ministériel ;
- Le subrogé curateur ou subrogé tuteur s’il a été désigné par le juge des tutelles.
Notez que les frais d’inventaire sont à la charge de la personne protégée.
II. Le contrôle des comptes rendus de gestion annuels
Si vous êtes désigné pour exercer une mesure de protection, vous avez l’obligation de remettre chaque année, au tribunal judiciaire, un « compte-rendu de gestion annuel ».
1. Définition
Il s’agit d’un document retraçant l’ensemble des opérations financières réalisées sur le compte de gestion pendant l’année écoulée (ressources et dépenses). Les mouvements d’épargne (placements, retraits, clôtures ou ouvertures de comptes) doivent également apparaitre, ainsi que les éventuelles dispositions en matière de patrimoine immobilier (vente ou achat notamment).
Dans ce document doit être aussi mentionnée, toute opération relative aux biens meubles corporels de la personne majeure protégée (par exemple, la vente ou l’achat de véhicule, de meubles ou d’objet de valeurs) ainsi que l’évolution du remboursement des dettes s’il en existe.
Les pièces justificatives des opérations les plus importantes doivent être annexées au document ainsi que les relevés bancaires arrêtés à la date d’échéance de ce compte annuel (le plus souvent, au 31 décembre).
Notez que le tuteur a l’obligation de maintenir les comptes existants dans l’organisme ou les organismes bancaires de la personne majeure protégée. En d’autres termes, si par exemple, il estime qu’il serait plus aisé pour lui de gérer les comptes de la personne protégée en les transférant dans sa banque, cela lui est strictement interdit. Le motif principal est que les habitudes de la personne protégée ne doivent pas être perturbées.
2. But
Ce document permet de vérifier que le représentant légal s’acquitte avec diligence de ses obligations, et que les intérêts de la personne protégée sont correctement administrés et défendus.
Exceptionnellement, si le patrimoine et les revenus de la personne protégée sont très faibles, le juge des tutelles peut autoriser le tuteur ou le curateur à ne pas établir ce document (uniquement si la mesure n’est pas confiée à un professionnel).
3. Procédure
- Une évolution du contrôle
Responsabilité de l’Etat, l’organisation de ce contrôle a évolué au fil des années.
Si de 1968 à 1995 ce contrôle était exercé par le juge des tutelles lui-même, ce dernier a confié à la fin des années 90 cette mission aux directeurs de greffe rendus responsables du bon déroulé de toutes les opérations monétaires effectuées au nom et pour le compte du protégé au cours de l’année écoulée. Le juge conservait alors la possibilité d’approuver le compte.
Puis, à partir de 2009, les directeurs de greffes débordés par leurs missions traditionnelles se sont retrouvés assistés pour ce contrôle par les seuls huissiers de justice (à l’époque, on ne parlait pas encore de commissaires de justice, la réforme de leur profession n’étant pas entrée en vigueur).
Enfin, depuis 2019 la loi prévoit que le juge peut décider que la mission de vérification et d’approbation sera exercée par un professionnel qualifié.
- La mise en place d’une externalisation du contrôle des comptes de gestion
C’est l’article 512 du Code Civil, dans sa nouvelle version, qui le prévoit dont le décret d’application n’est à ce jour pas encore entré en vigueur. Il devrait l’être courant 2024.
L’idée avec cette externalisation est que le contrôle soit opéré par un officier public ministériel ou un expert des chiffres. D’après la loi, ce « professionnel qualifié » pourra être soit « un notaire, un commissaire aux comptes, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ou un commissaire de justice ».
Or, qui mieux que le commissaire de justice – seul interlocuteur bénéficiant d’une antériorité en matière de contrôle des comptes de gestion – pour garantir la qualité du contrôle et apaiser les relations familiales ?
En effet, les commissaires de justice sont déjà présents pour protéger les biens de ces majeurs à travers les inventaires et l’assistance qu’ils portaient antérieurement aux greffes dans le contrôle des comptes de gestion.
NB : Dans la période de transition législative actuelle, tant que l’ancien texte existe toujours et que le décret n’est pas entré en application, le juge des tutelles a fait le choix de désigner des commissaires de justice pour qu’ils procèdent au contrôle des comptes rendus de gestion au moment du renouvellement de la mesure (elles sont prononcées pour 5 ans), en les désignant comme « techniciens ».
Pour approfondir : Tutelles, curatelles, les bons réflexes de protection du patrimoine